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Broutille et cie !!!
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22 mars 2006

"Apprendre à lire" par Jacqueline Pillot

Savoir lire c’est avoir envie de textes et en comprendre le sens.

Dans la querelle des méthode de lecture les politiciens et les chercheurs qui n’ont jamais eu la responsabilité de classe ont un point commun : leur point de vue ne paraît respectable à leurs yeux et à celui des médias qui les rapportent que s’ils sont tranchés, différents de tous les « autres » qui auraient tous les défauts. C’est une forme d’intégrisme.

Les praticiens (enseignants des écoles, des collèges, des lycées et des IUFM, conseillers pédagogiques, inspecteurs, parents…) sont perplexes devant les rigidités des intégristes qui les renvoient au rang d’incompétents qui doivent revoir leurs copies !

Ces praticiens peuvent douter un instant mais la réalité du terrain leur impose pragmatisme, équilibre et bon sens.

Chacun sait qu’il n’y a que deux méthodes clairement identifiées qui ont montré leur nocivité. Par ordre d’apparition, ce sont :

-         La méthode « alphabético-syllabique » dont l’enseignement très ancien privilégie l’entrée par le code mais gomme l’apprentissage du sens :

-         l’enseignement commence par les lettres de l’alphabet : a, b, c, d, e….,

-         les couples simples « ba, be, bi, bo… » puis complexes « tin,tan, tou.. ».

-         Les syllabes combinées conduisent ensuite aux mots porteurs de sens ou non d’ailleurs.

-         Les mots associés conduisent à la phrase simple puis complexe

-         ........et au texte dans le meilleur des cas pour les élèves les plus intelligents ou /et les mieux accompagnés par leur famille.

-         La méthode globale intégrale, qu’elle soit celle de l’Abbé Adam au 18 ème  siècle ou la méthode idéo- visuelle prônée par J. Foucambert, elle privilégie certes une entrée par le sens mais gomme l’apprentissage du code : 

-         Les élèves photographient les mots contenus dans des textes porteurs de sens.

-         Après la lecture du texte par l’enseignant, les élèves devinent les mots avec l’aide d’illustrations,

-         Ils émettent des hypothèses dans le meilleur des cas

-         Ils repèrent  spontanément des indices pertinents les conduisant à la combinatoire et à la correspondance phonético graphique.

-         ...........là encore ceux qui réussiront à apprendre à lire seront les plus intelligents ou /et les mieux accompagnés par leur famille.

Ces deux méthodes conduisent au même résultat, elles enferment l’élève dans le ghetto de l’illettrisme. Heureusement la première avait disparu il y a un demi siècle, la seconde n’a quasiment jamais été utilisée sous cette forme dans les classes et est formellement interdite par les instructions de 2002.

Les neurosciences ont été appelées à la rescousse du débat......

Les neurosciences sont claires : Nous avons deux hémisphères cérébraux :

-         le droit qui privilégie les approches globales, qui construit images et métaphores, qui développe les arts et la poésie, les valeurs et les réactions intuitives, instantanées...
On l’appelle cerveau des « artistes »

-         le gauche qui privilégie l’analyse, qui fait agir selon une progression linéaire, c’est le cerveau des chiffres, des signes et des lettres, des mathématiques, du raisonnement...
On l’appelle cerveau des « matheux »

Les lettres signes étant dans le gauche.....et le global dans le droit, certains crient à l’incompatibilité ......totale et définitive.

Pratiquement tous les chercheurs et praticiens exploitant les sciences cognitives à des fins opérationnelles, par exemple pour le développement de la créativité ou  la communication  sont d’accord pour affirmer la nécessité de faire travailler ensemble les deux hémisphères et non pas un isolément comme nous avons tous tendance à le faire spontanément selon que nous sommes plutôt à dominante cerveau gauche ou cerveau droit.

L’enseignant se trouve confronté à deux réalités :

  1. Quand l’enfant arrive à l’école maternelle, car c’est là que commence l’apprentissage de la lecture et de l’écriture (j’entends production d’écrit ), il a déjà des compétences : il reconnaît les sigles des grandes surfaces Carrefour, Auchan, …., des marques de confiseries ou de produits alimentaires( Coca-Cola, Haribou, Petit Lu, …), des marques publicitaires, des mots du code la route, certains connaissent des titres d’albums, leurs prénoms…Ces mots porteurs de sens ont été photographiés et mémorisés de manière globale. Ils lisent ......ces mots là!
  2. Il est indispensable d’enseigner de manière systématique les caractéristiques du code alphabétique (code phonographique, code morphographique, et code logograhique) et les codes non alphabétiques (le code typographique, le code des supports, et le code textuel)..

La question n’est donc pas de choisir s’il faut rentrer par le sens ou le code mais seulement quand et comment passer de l’un à l’autre.

L’entrée s’ est réalisée en dehors de l’école pour la plupart des enfants par le sens : Il faut  utiliser ces connaissances anarchiques et les structurer, les formaliser en introduisant le code.

Quand introduire l’enseignement du code ?

Avec quels supports ?

En tout état de cause la question se pose bien avant le cours préparatoire et l’introduction de

LA METHODE DE

LECTURE……

Il ne s’agit pas de faire un CP avant l’heure mais de pratiquer une différentiation pédagogique permettant de rester dans la zone proximale de développement de chaque enfants en respectant l’apparition de la conscience phonologique : avant 4 ou 5 ans, les enfants n’ont aucune conscience des sous-ensembles des mots. Lettres et syllabes, même appelés graphèmes ou phonèmes, ne les atteignent qu’à partir de 4 ou 5 ans...

L’école maternelle qui accueille aujourd’hui 95% des enfants a le rôle fondamental de confronter les élèves à tous les écrits mais il s’agit d’un enseignement structuré.

L’élève « apprend » à reconnaître les types de texte, il « apprend » la langue écrite grâce à la lecture quotidienne de l’enseignant. Il « apprend »  à se représenter des situations qui lui sont lues, il « apprend » à les reformuler en respectant les caractéristiques du texte, il « apprend »  à s’approprier un vocabulaire différent, il « apprend » des structures de phrases plus complexes, il s’initie à une première grammaire textuelle en utilisant des connecteurs, des anaphores…

En même temps ou plus exactement pendant des séquences variées toutes les occasions seront saisies pour lire et non deviner, pour écrire et non pour copier....

Le cours préparatoire est l’année de l’instrumentalisation de la langue, au cours de laquelle l’élève doit acquérir des automatismes, coder, décoder, discriminer oralement et visuellement poursuivant ainsi le travail commencé en maternelle,  repérer un maximum d’irrégularités lexicales, morphosyntaxiques …c’est à dire en lisant beaucoup ! en écrivant beaucoup...

Ce qui ne veut pas dire que la compréhension est laissée de côté : Elle sera travaillée de deux manières différentes :

-         L’enseignant lira des textes que l’enfant n’est pas encore capable de lire et de comprendre car ses capacités de déchiffrage sont encore trop fragiles et ce décodage lui demande une dépense cognitive trop importante. Ces textes  et ces écrits seront diversifiés.

-         La compréhension sera travaillée en identifiant pour un récit par exemple, les personnages, leurs rôles respectifs, en faisant systématiquement reformuler les actions, en explicitant l’implicite, les non-dit. Ce travail sur le sens est minutieux, la rigueur est indispensable.

Enfin quelque soit la méthode utilisée, il est indispensable d’utiliser un autre support de lecture au moins un jour par semaine.

N’oublions pas que l’apprentissage de la lecture et de  l’écriture se poursuit jusqu'a la fin du cycle 3 et même après.

Jacqueline PILLOT a été  institutrice, conseillère pédagogique et inspectrice de l’Education Nationale. Elle est Docteur en Sciences de l’Education et auteur de « Enseigner à l’école maternelle, quelles pratiques pour quels enjeux » publié chez ESF Paris en 2004

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Commentaires
K
Je travaille dans une bibliothèque où je suis médiatrice du livre. Je dois pour faire simple apporter des livres aux publics empèchés ( à ceux qui n'iraient pas spontanément vers les livres). Je rencontre des tout-petits dans des crèches, des plus grands dans les écoles, des adultes aussi. Et, tous les projets que je mets en place passe par le plaisir de lire et de partager ma passion. Et quand l'enseignat y adhère, ne se prend pas la tête avec des pseudos livres incontournables, et ose s'arrêter sur des livres qui vont plaire aux enfants, on arrive ensemble à faire lire énormément des enfants qui ne sont pas habitués aux livres à la maison. <br /> Le plaisir, le plaisir, le plaisir, voila ce qui fait qu'un enfant déchiffrera, comprendra et lira. Et je crois que c'est par là que le débat autour de l'illétrisme avancera. <br /> Voilà, désolée, j'ai fait long mais quand on est passionnée, on est trop bavard... <br /> Vraiment sympa cet article et heureuse d'avoir partagé avec toi un point de vue qui me tient à coeur.
P
Très intéressante et très claire synthèse !!<br /> Mais j'ai vu des enfants autour de moi faire de la globale intégrale durant une bonne partie du premier trimestre de cp....ce qui a entre autre, été fatal à ma nièce.... :-((<br /> du côté positif et par rapport à l'importance de la GS dans le cycle1, l'ancienne instit des grands chez nous avait eu en tt et pour tout 3 échecs par rapport à la lecture quand ses GS arrivaient en CP....Leur donner envie semble être une partie du secret !!
M
Très instructif comme article et en plus beaucoup de choses nous ramène ici à des expériences vécues, comme l'identification des noms de marques ou magasins par leur logo et ce dès 2 ans à la maison :-))
Broutille et cie !!!
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